Souvenir de vol

“

Certains détestent l’avion, en ont une trouille bleue. Pour d’autres c’est comme prendre le bus ou le métro, sauf que c’est un peu plus contraignant à cause de la sécurité. Pour d’autres, comme moi, c’est une promesse. Le vol n’est pas une fin en soi mais le moyen d’arriver à un ailleurs.

> “L’amour du risque, tu connais? Quand on sait qu’ils utilisent les anciens appareils de l’Aeroflot…”

S’il fallait que je vous raconte un vol qui reste dans mes souvenirs, je vous raconterais celui j’ai fait lorsque je suis allée à Cuba. C’était la première fois que je franchissais l’Atlantique en avion. Je suis allée à Cuba bien avant de découvrir New York. Déjà le trajet en lui même était une aventure: nous avions choisi de voyager avec la Cubana de Aviavión. L’amour du risque, tu connais? Quand on sait qu’ils utilisent les anciens appareils de l’Aeroflot… Ce n’était peut-être pas une bonne idée pour un premier vol atlantique et de surcroit pour commencer une lune de miel.

Je me souviens qu’à l’aéroport nos amis nous ont dit au revoir en nous étreignant un peu plus longtemps que la décence le permettait. Comme s’ils nous disaient adieu. Nous étions plutôt confiants et le Buena Vista Social Club résonnait déjà à nos oreilles quand étions en salle d’embarquement. En trouvant nos places dans l’avion, la petite musique cubaine qui m’accompagnait jusqu’à présent inside s’est subitement transformée en notes tragiques que l’on peut entendre dans les films d’épouvante. Assise sur le siège, en levant la tête, je pouvais apercevoir des fils électriques. Quand je l’ai signalé à mon tout nouveau mari, il m’a dit de ne pas m’inquiéter, que ce n’était rien du tout. Trop cool lui!
Puis est venu le moment du décollage, un des moments les plus critiques du vol comme chacun sait. Jamais de ma vie je n’avais entendu un avion faire autant de bruit. Et je ne vous parle pas des sièges branlants. Je peux l’avouer: j’ai eu quelques sueurs froides.

> “Au fond de l’avion il y avait un groupe de musiciens cubains. Des papis comme ceux du Buena Vista Social Club.”

Tant bien que mal l’avion s’est stabilisé et nous avons pu commencer à profiter du vol. C’était l’époque où il était encore permis de fumer à bord sur certaines compagnies. Imagine, cela semble si loin! Un temps que les moins de vingt ans… Nous avons attaqué direct sur un whisky clope. Il fallait bien se remettre de ses émotions.

Au fond de l’avion il y avait un groupe de musiciens cubains. Des papis comme ceux du Buena Vista Social Club. Au milieu du vol et après quelques verres de rhum au compteur, ils se sont mis à faire de la musique. Un vrai boeuf à 10.000 d’altitude. Une session improvisée comme on peut en voir parfois dans des bars en Irlande. Sauf que là, c’était de la rumba, du son ou du mambo. Magique. Il y avait une bien belle ambiance. On s’échangeait des sourires avec les papis. Même si on ne pouvait pas se comprendre avec des mots, on arrivait à communier avec eux, dans la musique et dans l’alcool et à travers les volutes de fumée.

Le vol a finalement passé une vitesse folle et nous sommes arrivés à La Havane très tard dans la nuit.

Et vous? Si vous aviez un souvenir de vol à raconter? Ce serait lequel?”